Une Histoire du Tango

Il semble que tout le monde a entendu un jour Libertango (1974). Cette chanson de tango a été utilisée dans plus de 600 albums, des publicités, des films. Difficile aujourd’hui d’imaginer qu’elle a été composée par Astor PIAZZOLA lors de son exil en Italie, après qu’il ait quitté l’Argentine alors dirigée par le général Juan Carlos ONGANIA, où ses expériences musicales indignaient les traditionalistes. « Je pars parce qu’à Buenos Aires je suis l’un des nombreux chômeurs qui remplissent les rues ». Libertango, mot-valise mélangeant libertad (liberté) et tango, symbolise cette prise de distance nécessaire mais quelque peu amère et le passage du tango classique au tango nuevo.

Car le tango nuevo (tango nouveau), c’est toute l’affaire de la vie d’Astor PIAZZOLA, sa conviction que cette musique doit sortir des salles de bals populaires enfumées où elle est née pour investir les salles de concert. Ancré dans la tradition, son style est néanmoins ouvert aux influences du jazz et de la musique classique et surtout profondément façonné par l’enseignement de Nadia BOULANGER. En 1954, alors qu’il était son élève à Paris, elle l’avait encouragé à puiser dans le vivier de la musique traditionnelle, tout en l’enrichissant d’un langage évolué et contemporain.

Cette synthèse est particulièrement perceptible dans Histoire du Tango (1985) composé après le retour d’Astor PIAZZOLLA en Argentine, alors qu’il connaissait enfin le succès. Chaque morceau de cette suite évoque les grandes étapes de l’évolution de cette musique. « Bordel, 1900 », plein de grâce et de vitalité, dépeint les bavardages des femmes qui habitaient ces endroits et taquinaient les policiers, voleurs, marins et bandits qui venaient les voir. « Café, 1930 », lent et mélancolique, décrit une période où le tango, davantage écouté que dansé, est devenu plus musical et romantique. « Nightclub, 1960 », marqué par l’influence de la bossa nova brésilienne, dépeint l’émergence tumultueuse du tango nuevo. « Concert d’aujourd’hui », inspiré par des compositeurs comme Bartok et Stravinsky, achève le cycle en dévoilant le tango moderne rêvé par PIAZZOLA.

Les nouvelles générations de compositeurs argentins recueillent les fruits de cette révolution musicale et expriment toute sa richesse de manière plus apaisée. Parmi eux, Máximo Diego PUJOL propose lui aussi un voyage à travers le tango, par les lieux plutôt que dans le temps. Chaque morceau de la Suite Buenos Aires (1995) évoque l’atmosphère spécifique d’un barrio (quartier) de la capitale de l’Argentine. « Pompeya » désigne Nueva Pompeya, le quartier populaire avec ses pulperias, les bars louches où est né le tango au tournant du XXème siècle. « Palermo », avec ses parcs et son hippodrome, est devenu mythique grâce aux tangos qui ont chanté la passion burrera (turfiste). « San Telmo » est un quartier ancien fourmillant de cafés et tanguerias où le monde entier vient apprendre à danser le tango. « Microcentro », enfin, est le cœur de la cité, quartier des affaires et des grandes artères commerciales.

(Rédaction : Charline Hautbois)

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